Trésors Cachés d’Italie

TRÉSORS RETROUVÉS

Bien que déjà parfaitement connue, l’histoire du concerto italien pour violon soliste recèle encore des trésors cachés. Au fur et à mesure que les spécialistes, les interprètes et le public prennent connaissance du répertoire, on lui découvre des aspects et des figures bien plus divers qu’on avait pu l’imaginer. À côté des deux pôles incontournables que sont Corelli et Vivaldi, apparaissent des personnalités artistiques entièrement atypiques, telles que le Napolitain Nicola Fiorenza et le padouan Giuseppe Tartini. Fort d’une production de très haute qualité, parallèlement à sa musique vocale, le XVIIIe siècle musical italien offre dans ce domaine l’image d’une dentelle bariolée.

 Le programme proposé veut attirer l’attention sur deux générations distinctes de violonistes compositeurs : celle d’abord des Razetti et Montanari, proches des modèles de leurs contemporains Vivaldi et Corelli, ainsi que celle des Nardini, Lombardini et Lidarti, nés après que se fût amoindrie l’influence directe des modèles sus-nommés – les deux premiers étaient étroitement liés à ce qu’on appelait « l’École des nations » de Tartini. L’Italie avait alors assimilé les grandes innovations apportées par le changement du goût et par les compositeurs napolitains de la génération des Porpora, Leo et Vinci. Au fil de cette évolution se sont élaborés les éléments stylistiques qui déboucheront sur le classicisme, celui auquel nous avons l’habitude d’associer les noms de Haydn et de Mozart.

Peu d’informations nous sont parvenues au sujet de Carlo Alezio Razetti, si ce n’est qu’il est à partir de 1727 violoniste à Turin. Mentionnons néanmoins l’existence du Concerto en fa mineur, conservé dans le fonds Blancheton du Conservatoire de Paris. Cette oeuvre montre de façon évidente l’appartenance de l’auteur au monde de Vivaldi, duquel on n’exclura pas certaines influences plus ou moins directes.

À l’inverse, on connaît mieux les données biographiques d’Antonio Maria Montanari. Né à Modène en 1676, élève de Corelli, il était très impliqué dans le milieu musical romain, où il fut un excellent exécutant. En tant que membre de l’orchestre du cardinal Pietro Ottoboni, Montanari était estimé de Torelli, de Pisendel et de Vivaldi lui-même. Tout porte à croire qu’il participa à l’exécution de l’oratorio La Risurrezione de Haendel au palais Ruspoli en 1708, sous la direction du compositeur. Sa production orchestrale, éditée à Amsterdam vers la fin des années 1720, montre de façon non équivoque l’assimilation du modèle corellien et son dépassement en une nouvelle élaboration originale.

La renommée de Maddalena Lombardini, qui, née à Venise en 1735, épousa en 1767 le violoniste Ludovico Sirmen, tient principalement au fait qu’elle fut la destinataire de la célèbre lettre de son maître Giuseppe Tartini sur l’utilisation de l’archet. Elle fut élevée dans le célèbre Ospedale dei Mendicanti de Venise, une des quatre institutions de la ville où l’on dispensait une éducation musicale de haut niveau à des orphelines et à des filles en difficulté. Maddalena Lombardini rêvait d’une carrière de violoniste autonome, mais les moeurs de l’époque tinrent celle-ci étroitement liée à celle de son mari dans de nombreuses tournées à travers l’Europe – très applaudie fut d’ailleurs l’exécution à Paris de leur double concerto le 15 août 1768. Sa musique brillante et d’une grande élégance révèle le goût qui s’élabore dans le nord de l’Italie vers la seconde moitié du siècle.

Né en 1722, le célèbre Pietro Nardini fut aussi un élève de Tartini. Ses amis Léopold et Wolfgang Mozart l’admiraient. Il fut très actif d’abord à la cour de Stuttgart et, à partir de 1770, il se mit au service du grand duc de Toscane. Très apprécié pour la beauté de ses sonorités, pour sa solide intonation ainsi que pour la poignante beauté de son cantabile, il nous laisse un corpus appréciable de compositions caractérisées par une esthétique où dominent la vivacité, la grâce et une expression sentimentale qui refuse cependant tout pathos extrême.

Pour finir, une mention à part sera réservée à Christian Joseph Lidarti. Né en 1730 à Vienne dans une famille italienne apparentée au compositeur Giuseppe Bonno, il a appris la composition avec l’incomparable Jommelli, ce qui explique l’éclat de sa musique. Une seule écoute attentive des passages qu’il écrit pour lui-même dans ses concertos pour violon suffirait à nous en convaincre. Lidarti représente bien l’influence décisive qu’eurent sur l’Europe du XVIIIe siècle les musiciens italiens qui travaillèrent hors de leurs frontières. Sa carrière internationale lui offrit des occasions inestimables et rares, dont celle offerte par la synagogue d’Amsterdam, qui lui commanda la composition de l’oratorio Esther en langue hébraïque.

Redécouverts avec étonnement et plaisir dans les archives des bibliothèques, les trésors musicaux issus de la plume de musiciens italiens plus ou moins connus montrent l’ingéniosité qui caractérise les différents courants présents dans la Péninsule et leur apport substantiel à l’évolution du langage musical.

© Stefano Aresi
Traduit et adapté de l’italien par Pierluigi Ventura et François Filiatrault.

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